Duo
Une quatrième génération veille aux destinées de G. Giraudon et fils
Longtemps les entrepôts Giraudon ont fait partie du paysage des Catalans. Ce bâtiment, un ancien lazaret du 16e siècle, établissement hospitalier pour les quarantaines des voyageurs venus par la mer lors de la grande peste, fut rénové dans la seconde moitié du 19e siècle pour servir d’écuries au Palais du Pharo. L’impératrice Eugénie ne goûtant pas Marseille, il servira finalement à pérenniser l’affaire d’un certain Georges Giraudon, dans le négoce du sucre depuis 1890. Son fils Adrien va le racheter au domaine public et par la même occasion, se lancer dans la transformation (broyage, notamment pour faire du sucre glace) et le conditionnement.
Après des années fastueuses, les affaires sont moins florissantes au tournant du 21e siècle. Jean-Charles Bagnis, qui rentre des États-Unis ne l’entend pourtant pas de cette oreille — il est l’aîné des petits-fils d’Adrien Giraudon — : « On pensait fermer la société mais j’étais persuadé qu’elle pouvait continuer. J’ai fait un business plan avec mon frère et convaincu les banques de nous accompagner », explique le directeur général. « Et puis, nous sommes nés là-dedans. Notre grand-père parlait toujours de son sucre, notre oncle racontait les anecdotes de l’entreprise, et maman, une des trois filles Giraudon, y était très attachée. Nous étions très fiers de l’usine des Catalans ! »
Un investissement de 600 000 euros (pour moderniser le parc machines) et un déménagement à Vitrolles (pour se rapprocher de l’autoroute) vont permettre d’écrire un nouveau chapitre : « C’était un pari fou. Mais 23 des 24 salariés ont suivi parce qu’ils étaient attachés à la maison, et parce que Les Catalans étaient désormais un peu vétustes. » Un pari fou, mais un pari gagné !
Il faut négocier un nouveau virage en 2016, avec la fin des quotas de production en France. La maison Giraudon sous-traite alors la transformation et conditionnement pour se consacrer au négoce, son cœur de métier. Désormais installée à Gémenos, avec 7 salariés et un stock tampon qui n’excède pas 800 tonnes, elle a conservé une clientèle fidèle de petits clients, dont les commandes inférieures à un camion complet de 24 tonnes n’intéressent pas les majors sucriers. Sous l’étiquette G.Giraudon et Fils, le sucre (cristal, glace, bûchettes…) est vendu à de fidèles clients, parfois historiques comme le Four des Navettes, mais aussi La Fermière, les marrons Corsiglia, Puyricard, le Roy René… Plus de 300 clients, « du petit apiculteur qui souhaite une palette de sucre pour ses abeilles à l’entreprise Yetigel, le n°1 des glaces à l’eau, glisse Jean-Charles Bagnis. On est le trait d’union entre les fabricants et les distributeurs, mais aussi les artisans confiseurs, confituriers, glaciers… »
Pour autant, ces péripéties n’ont pas mis à mal la gestion familiale de l’entreprise, aux mains de trois actionnaires, le principal étant Patrick Christin, président de la société, mais qui laisse les coudées franches à son cousin : « Si un investissement est nécessaire, je lui demande son avis. Idem s’il faut discuter des salaires, explique Jean-Charles Bagnis. Sinon je gère mes achats comme je l’entends, il n’y a jamais eu le moindre souci ». Et sauf mauvais coup du sort, le moment venu, une cinquième génération de Giraudon sera à même de perpétuer l’existence de l’entreprise familiale.
Nathania Cahen