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Audace

Pascal Lorne, « serial disrupter »

L’entrepreneur aixois a passé sa vie à interroger et bousculer les modèles établis. Avec Gojob, sa dernière création, il bouscule le recrutement intérim.

Est-on génétiquement programmé pour entreprendre ? Le parcours de Pascal Lorne aujourd’hui à la tête du pionnier du recrutement intérimaire digital Gojob, pose la question. Après des études d’ingénieur et un début de carrière fulgurant dans l’équipe de Carlos Ghosn au Brésil dans les années 90, le jeune homme aurait pu poursuivre une carrière de cadre normée. L’appel des affaires l’a emporté. « Entreprendre, c’est se tourner vers l’horizon. C’est une ligne lointaine et incertaine qui attire et oblige à tracer son propre chemin pour l’atteindre. », imagine ce passionné de nature et de montagne.

Le sien a été tordu et caillouteux. A l’orée du nouveau millénaire, il rejoint son cousin aux commandes d’une ambitieuse start-up, Ismap, qui prétend cartographier le monde sur les premiers smartphones. Trop en avance, l’entreprise échoue, mais l’entrepreneur en herbe ne baisse pas les bras. Sans tarder, il s’empare du marché naissant des services i-mode, sonnerie, logo et autres jeux qui commencent à faire fureur chez les ados. Sa nouvelle société Miyowa, au nom inspiré des trois cercles vertueux de la tradition japonaise, ne tarde pas à prendre le leadership du secteur en fournissant les principaux opérateurs européens.

Rachat et rebond
L’affaire est florissante, mais incertaine. Il l’a consolide en décrochant l’exclusivité du développement de la messagerie instantanée de Microsoft, MSM Messenger, sur mobiles. Aux Docks où elle a son siège, la start-up s’envole, lève des millions et multiplie les applications mobiles basées sur la connexion interactive des communautés nomades. Pascal Lorne fait le siège des Gafam aux États-Unis où il part s’installer. Son culot paye : avec Facebook et Twitter, l’entreprise s’assure une présence dans une vingtaine de pays, en Europe et en Asie. Entre 2008 et 2011, Miyowa passe de 2,5 à plus de 10 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 20 millions d’utilisateurs réguliers.

L’affaire intéresse l’enfant chéri du Nasdaq Synchronoss, leader mondial des technologies de synchronisation de données mobiles. Il cherche à se déployer outre-Atlantique. Pour 60 millions de dollars cash, Miyowa sera son cheval de Troie : « Un énorme sentiment de tristesse m’a envahi à la signature de l’acte de vente », confie alors le patron. C’est un quadra qui a réussi, mais quoi faire à présent ? Il s’essaye aux réseaux sociaux en lançant la plateforme Let qui prétend chatouiller les plates-bandes de Zuckerberg avec un système de détection automatique des informations susceptibles de faire le buzz. C’est un échec.

Croissance insolente
S’en suit une traversée du désert existentielle qui prend fin avec de premiers investissements à impact puis la création, en 2015, de Gojob, qui veut bousculer les règles du recrutement dans l’intérim. Le secteur est poussiéreux. Il le digitalise à travers une plateforme d’intermédiation entre entreprises et travailleurs qui facilite l’embauche sur la base des seules qualifications pour des missions ponctuelles précises. Le CV disparait du circuit. Les employeurs adorent. Présente à New-York, Londres, Paris et Aix-en-Provence où elle a son siège, Gojob compte plus de 25 000 salariés intérimaires placés auprès de grands groupes internationaux tels que Veolia, DHL, Stellantis ou Ceva Logistics.

Cinq ans après sa création, elle a fait son entrée dans le top 20 du FT 1000, le classement des entreprises à la croissance la plus rapide : 4,388 % entre 2016 et 2019. Depuis, Gojob a encore grossi, affichant un chiffre d’affaires de près de 100 millions d’euros et désormais des perspectives de croissance indécentes grâce à son nouveau moteur d’intelligence artificielle dédié au recrutement. Une audace de plus ? « Simplement la suite du chemin », répond-il. En s’approchant de l’horizon, on voit ce qu’il y a derrière. Foi de montagnard.

 Paul Molga