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Fabrice Le Saché : un tour de France des régions pour « une Europe pragmatique et compétitive »

Fabrice Le Saché, vice-président du Medef en charge de l’Europe. ©NBC

À quelques semaines des élections européennes, Fabrice Le Saché, vice-président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) en charge de l’Europe, réalise un tour de France à l’écoute des entreprises. Le 5 mars, il s’est arrêté une journée à Aix-en-Provence, sur le terrain, pour recueillir les préoccupations des chefs d’entreprises au regard de la politique européenne. Principal grief, la surcharge réglementaire. 

2024, année marquée par des élections majeures dans le monde. À commencer par les européennes, du 6 au 9 juin, des élections à fort enjeu, en particulier, pour les chefs d’entreprises français : « 70% des normes qui régissent la vie de nos entreprises trouvent une origine à Bruxelles et à Strasbourg. Dans le secteur automobile, ce taux grimpe à 80% », a souligné, le 5 mars, Fabrice Le Saché, lors de sa visite en Provence, coordonnée par l’Union pour les Entreprises des Bouches-du-Rhône (Upe 13).

Cette huitième étape du tour de France des régions, voulu par le président du Medef, Patrick Martin, a pour ambition d’écouter les chefs des entreprises, de recueillir leurs contributions et d’élaborer la feuille de route du Medef : « Nos propositions serviront de base à l’audition, le 18 avril prochain, des candidats aux élections européennes. Elles seront le socle de nos actions auprès des institutions européennes », détaille le président fondateur d’Area, négociant en certificats environnementaux en Afrique. 

De ses premières rencontres, le vice-président du Medef retient surtout l’exagération des normes européennes, le zèle de l’administration française à les transposer en droit national qui crée des distorsions de traitement d’un pays à l’autre de l’Union.

Selon une étude du Medef, 5 000 pages de textes de réglementations européennes, 850 nouvelles obligations ont été éditées entre 2018 et 2022 ! Cette dérive de reporting est la première source d’exaspération des entreprises.

« La révolte des agriculteurs conforte la stratégie du Medef »
Ces derniers mois, les manifestations des agriculteurs, témoigne de cette dérive normative qui a atteint son paroxysme. « La révolte des agriculteurs conforte la stratégie du Medef. Les chefs d’entreprises ne descendent pas dans la rue pour manifester. Leur mécontentement, invisible et douloureux, se traduit par de nouveaux arbitrages d’investissements défavorables à la France et à l’Europe », affirme Fabrice Le Saché. Cette situation affaiblit la compétitivité de l’Hexagone face notamment à la Chine et aux États-Unis dans un contexte où la géopolitique rebat les cartes : « La guerre se trouve aux portes de l’Europe et nous sommes face à trois transitions : écologique, numérique et démographique. Nous constatons davantage d’investissements industriels aux États-Unis (en raison du prix de l’énergie, des subventions, de la fiscalité, de la rapidité des autorisations). C’est une perte de chance majeure pour l’Europe, ajoute-t-il.  Nous allons appeler à l’union des marchés de capitaux pour financer nos entreprises. L’envie d’avoir une Europe pragmatique avec un véritable agenda de compétitivité », affirme-t-il.

L’Europe, un rôle central dans le financement des infrastructures
Pour autant, savoir « parler l’européen » comme le scande souvent le président de la région Provence-Alpes Côte d’Azur Renaud Muselier, président délégué de Régions de France, peut se révéler un atout pour obtenir des financements. La Région sud après avoir décroché 4,6 mds € de fonds européens de 2014 à 2020 vise les 10 milliard d'euros entre 2021 et 2027 : « La Région Sud est championne pour mobiliser les aides européennes. Beaucoup de régions en bénéficient :  la Normandie (1,1mds), Auvergne Rhône-Alpes (800 M€). Nous constatons une inégalité de savoir-faire pour aller chercher ces fonds européens, la Corse c’est seulement 100 M€ sur la période. L’Europe joue un rôle central dans le financement des grands projets d’infrastructures de transport, la liaison ferroviaire Lyon-Turin ne pourrait pas se faire sans l’aide européenne. L’Europe des Régions se construit avec un Comité des Régions et des financements fléchés permettant d’assurer une cohésion », détaille-t-il

Énergie et décarbonation, la mise en garde du MEDEF
Sur les grands sujets énergétiques et de décarbonation, le vice-président du Medef met en garde l’Europe : « Nous demandons la neutralité technologique de l’Europe pour favoriser le développement de toutes les innovations. L’Europe est trop prescriptive, il faut laisser les solutions émerger ! », affirme-t-il.  Le Medef déplore également le manque de réactivité de Bruxelles s’agissant du feu vert aux aides de l’État français pour accompagner la décarbonation des deux usines sidérurgiques d’ArcelorMittal à Fos et Dunkerque. Néanmoins, Fabrice Le Saché rappelle que l’Europe est un formidable réservoir d’opportunités d’affaires pour les entreprises nationales avec 450 millions de consommateurs. 

Encadré
Le Medef met les moyens pour assoir son influence en Europe. À l’approche des élections européennes, le Medef entend assoir son influence avec la création du poste de Fabrice Le Saché et le lancement, en novembre 2023, d’un plan d’actions en 20 mesures parmi lesquelles la création de la Maison des entreprises de France à Bruxelles, une nouvelle commission Europe/International du Medef et le renforcement en moyens humains avec de nouveaux recrutements en Belgique. « Nous assurons un suivi législatif mensuel, nous renforçons la diplomatie patronale, nous réinvestissons Business Europe et accueillons nos adhérents sur place », souligne Fabrice Le Saché.

Nathalie Bureau du Colombier