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Le Cloître ou l’alliance réussie entre social et économie

Perché sur sa colline, Le Cloître domine avec ses entreprises innovantes et inclusives. Entretien avec le cofondateur et directeur, Arnaud Castagnède, un entrepreneur social.

Depuis son ouverture en 2018, Le Cloître s’est imposé comme la ‘’fabrique de solutions’’, sélectionnée par la Banque des Territoires parmi les 25 lieux innovants en France. Les 12 entreprises, qui se partagent ce couvent édifié en 1930, propriété des Apprentis d’Auteuil, œuvrent pour la formation des jeunes du territoire nord et des adultes éloignés de l’emploi. À sa tête, Arnaud Castagnède, barbe soignée et oeil lumineux. Il endosse « plusieurs casquettes », tous de cofondateur DG : le restaurant bistronomique Les Jardins du Cloître, La Conciergerie Solidaire 13. Et depuis peu, le Domaine de la Betheline, « prolongement du Cloître » et « ferme nourricière pour le restaurant » en lieu et place d’un ancien monastère à quelques kilomètres de là. Ce « tiers-lieu de génie écologique », qu’il élabore depuis cinq ans, accueillera également sur ses 30 hectares de la R&D sur les nouvelles pratiques agricoles adaptées à la sécheresse, des ateliers sur la transition alimentaire pour les plus jeunes et de l’hébergement pour les séniors. Certaines des activités seront exploitées par des entreprises adaptées ou intégreront des personnes en situation de handicap.

Pour le domaine, comme pour le Cloître, c’est l’activité économique qui sert de support à la formation inclusive : « L’entreprise est le moteur et le réacteur du projet social », insiste ce Landais d’origine, polo et basket durables, sur la terrasse de son restaurant cofondé avec le chef étoilé Michel Portos. Les jeunes apprentis s’y forment durant un an, en cuisine, au service et sur la partie traiteur ouverte désormais aux entreprises extérieures. Les Jardins du Cloître, sélectionné par le Guide Michelin depuis 2021, a obtenu son troisième macaron écotable, label ecoresponsable. L’entreprise à mission s’approvisionne notamment en produits locaux et de saison, issus de filière durable.

Arnaud Castagnède coche toutes les cases. Pas assez pour ce jusqu’au boutiste. Le parcours de la CEC (Convention des Entreprises pour le Climat), suivi pendant un an, lui a fait l’effet d’un « électrochoc ». Cet hypersensible a pris conscience de l’urgence écologique, mais aussi du pouvoir de transformation des entreprises. Il veut améliorer ses pratiques éco-responsables, mais aussi « construire une vraie démarche ». Avec, comme curseur, une économie régénérative. 

L’ancien rugbyman a embauché en janvier un jeune chef, Valentin Small, - « encore plus engagé que moi ! », avec qui il a revu ses fournisseurs pour privilégier davantage la proximité et la traçabilité des produits - plus question qu’on leur « refourgue » un poulet soit-disant français. Ils ont banni le polystyrène - le poisson (issu de la pêche raisonnée) est livré dans des caisses recyclables. Et s’apprêtent à transformer la cuisine pour réduire son empreinte carbone. Adieu gaz, les cuissons se feront à l’induction. Un changement parmi d’autres pour les apprentis cuisiniers, formés également aux bonnes pratiques, comme le zéro gaspillage et le 100% recyclage. « La transformation passe aussi par les jeunes », sourie t-il derrière ses lunettes de soleil (en bois, forcément). Il n’oublie pas la QVT (qualité de vie au travail) : ses salariés effectuent la semaine de quatre jours, soit le service du midi, soit du soir. Du rarement vu en restauration. Mais cet ingénieur de formation, venu à Marseille pour fonder Acta Vista, a toujours une longueur d’avance.  

Marie Le Marois