Le Déclic
Sabrina Reiter rebondit avec l’art du Kintsugi
À la tête de Reiter Group, cette entrepreneuse vitrollaise est passée maître dans la manière de se reconstruire après un échec. Avec cette résilience chevillée au corps, elle entame un nouveau parcours parsemé de succès.
Recoller les morceaux en sublimant ses fêlures. A force d’échecs personnels, Sabrina Reiter a fait sienne l’art du Kintsugi. « Je comble mes cicatrices avec de l’or », philosophe cette chef d’entreprise de Vitrolles qui puise la force de se relever après chaque épreuve dans cette métaphore ancestrale de la résilience. Inventé dans le courant du XVe siècle impérial japonais, le Kintsugi est devenu en occident un support de guérison symbolique : soigné, puis honoré, l’objet cassé assume son passé après un long et délicat travail de raccommodage. Au Japon, les artisans mettent parfois des mois à reconstituer ces objets fragiles, éclat après éclat, en comblant les jointures avec un saupoudrage d’or. Le Kintsugi est une ode à l’imperfection et à la fragilité.
Pour Sabrina Reiter, empêchée de vivre son rêve de carrière militaire pour raison médicale, il fut un déclic pour voler vers l’indépendance et ouvrir son concept store – The Old Company, aux Docks de Marseille. En 2014, ses soucis de santé la rattrapent. Elle doit passer la main. Avec son mari Jeffrey, elle rebondit en créant Reiter Group pour offrir des services de gestion de parcs automobiles aux loueurs de voiture. L’espagnol GoldCar veut se déployer en France. Le couple ouvre pour lui plusieurs antennes dans les aéroports du sud. La qualité de ses prestations de préparation des véhicules, de convoyage et de logistique impressionne. Ils signent avec l’Allemand Sixt en 2018 puis Europcar, et déploient des plateformes de gestion à Marignane, Lyon, Aix-en-Provence et Paris. L’ascension de Reiter Group est fulgurante. Le trophée des Échos le classe 18ème sur 500 entreprises françaises, et 2ème dans le sud, dans son classement de l’hyper-croissance. Ses contrats lui assurent un chiffre d’affaires de 7 millions d’euros.
« Le premier confinement met tout à terre », se désole Sabrina. Pendant plusieurs mois, les aéroports sont fermés. Reiter Group est entraîné avec l’eau du bain. « Nous espérions vendre notre entreprise. La crise a douché nos ambitions et calmé nos ardeurs. Nous avons regardé dans le rétroviseur, revu nos priorités et reconsidéré notre métier », se souvient Sabrina.Avec l’expérience accumulée, le couple se mue en consultants, étend le centre de formation qu’il a ouvert avant la crise (Alpha Formation) et conserve dans JAS quelques parcs de loueurs en gestion. « Le principal de notre activité se fonde désormais sur la mise en place et la rationalisation des process », explique la femme de tête qui emploie maintenant une trentaine de personnes, quatre fois moins qu’avant le Covid.
Mais la croissance est à nouveau au rendez-vous. Le phénix a réalisé l’an passé 1,2 millions d’euros de chiffre d’affaires et prévoit de former 200 personnes l’an prochain, puis plus de 300 en 2025. « Je suis à présent aligné avec mes valeurs », témoigne cette entrepreneuse qui consacre son temps libre à aider les femmes en difficulté des quartiers défavorisés. Une manière de passer du Kintsugi à un autre concept japonais : l’Ikigai ou comment se lever chaque matin avec une raison d’être.
Paul Molga